Piège à loup

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Mai 2022. Il est des rdv que l’on redoute, et d’autres que l’on attend avec impatience.

Pour Rachel, celui-ci était tant attendu, qu’elle s’en faisait une idée bien à elle, de croissance personnelle, d’avancée extrême dans sa jeune vie de pré ado/ado. C. sa best friend en a un et elle passe sa journée à vanter tout les bienfaits que cet alliage métallique lui offre. C’est stylé.

On est bien loin de mon époque, ou l’appareil dentaire c’était la honte absolue, clairement.

Verdict, elle a des dents en transposition inversées. La chirurgie n’est pas sans risque et le résultat n’est pas une garantie absolue non plus. Il a donc était convenu qu’un appareillage pour réaligner ses dents en haut sera la meilleure alternative. Pour que le rendu soit esthétique dans le futur, un en bas sera mis également en place dans la foulée.

Elle est mitigée. redescend un peu de son nuage, finalement un appareil c’est pas ouf comme délire. Surtout qu’elle s’imaginait avec un appareil non fixé, juste un fil, relativement discret. Les bagues fixes / le fil / les rdv mensuels pour resserrer c’est pas la même limonade.

On programme les radios, les scanners, les photos pour novembre.

C’est loin. Elle passe à autre chose.

Novembre est là. Les radios, les scanners, les photos tout est fait. Le médecin lui explique les choses. elle entend sans écouter. Moi, j’ai bien compris les tarifs, la CPAM, la mutuelle, je suis noyée dans les chiffres.

La date tombe : 17.03.2023.

C’est loin, Elle passe à autre chose.

C’est le jour J. Un mois pile après son anniversaire. La date n’a pas été choisie par hasard : on lui voulait un anniversaire serein.

Son état dans les jours qui précèdent et le jour même pourrait sensiblement être comparé aux 5 étapes d’acception du deuil :

  • Le déni. Cette phase consiste à refuser, de façon consciente ou inconsciente, d’admettre la réalité qui vient d’être annoncée.
  • La colère. Une fois que la réalité de la situation n’est plus contestable vient la phase de colère.
  • Le marchandage. Elle tente une dernière fois dans la salle d’attente de me faire changer d’avis. Me dit qu’elle s’en fiche de l’état de ses dents, de son apparence. Mais moi je sais qu’elle sera plus sereine dans quelques années et que peut être elle sera reconnaissante qu’on ai tenu. Son accord, on l’avait, mais le stress mêlé à l’inconnue lui a fait perdre la notion des réalités.
  • La dépression. Les douleurs alliées aux frustrations sur les mois à venir lui minent le moral.
  • L’acceptation. On est dedans. Ca passe, « c’est même plutôt pas si moche que ça ». Les douleurs semblent avoir disparues.
Source @ouest-France

Délestée d’une coquette somme que je ne reverrais probablement pas (mutuelle du boulot merdique merci) nous ressortons de là.

Dans la foulée, j’ai amené son frère, qui avait quelques soucis de placements de dents également et je voulais en savoir plus sur la suite pour lui. On a été ravi d’apprendre que tout prochainement il va y passer aussi mais dans un tout autre délire : on me parle de greffe osseuse, de potentielle fente palatine non décelée à la naissance et pas totalement résorbée, d’appareil avec tournevis à faire à la maison, de kiné ventilatoire, et autre bricolage pour l’aider au quotidien.

Suite le lendemain de ses 9 ans, en mai.

Bizarrement, Rachel a relativisé assez rapidement une fois qu’elle a su ce que son frère allait endurer dans les mois à venir. Elle s’est presque estimée « chanceuse » de n’avoir que des bagues. La blague.

Nous voilà donc embarqués dans la grande galère de flicage des dents propres, des programmations de rdv de contrôle de surveillance accrue des éventuels coups involontaires au niveau de son piège à loup, de dédramatisation des moqueries au collège, à la maison (parce que oui, finalement c’est toujours l’affiche de porter un appareil, même en 2023).

Elle ne nous en veut plus, je crois pas que le terme soit exact d’ailleurs. Elle a toujours compris que c’était dans son intérêt.

Elle nous reproche plutôt gentiment son héritage dentaire relativement merdiques transmis.

De rien ma fille, t’inquiète ton frère aussi va surement nous haïr.

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